26 novembre 2004

épicurien

On le pense porté sur les plaisirs en tous lieux, en tous genres... Ecoutons Epicure : "Tout plaisir pris en lui-même et dans sa nature propre est un bien" Mais aussi "c'est un grand bien que de se suffire à soi-même, non qu'il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l'abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons" (Lettre à Ménècée, 129)
Et encore ... "Bien qu'on puisse jusqu'à un certain point se mettre en sûreté contre les hommes au moyen de la force et de la richesse, on obtient cependant une sécurité plus complète en vivant tranquille et loin de la foule." (Maxime fondamentale XIV)
Et pour finir aujourd'hui ..."la mort n'est rien pour nous, car ce qui est dissous est privé de sensibilité, et ce qui est privé de sensibilité n'est rien pour nous." (Maxime fondamentale I)

23 novembre 2004

matérialiste

L’économiste est en général distingué comme l’officier fut naguère toujours sémillant ; le matérialiste, lui est qualifié de grossier. On l’accuse volontiers de goinfrerie, d’égoïsme ou d’immoralité.
Dressé au fond de cette vallée de larmes, les deux pieds plantés dans la glèbe, il est debout et joyeux. C’est cette joie, cet amour du monde qui est intolérable aux bien pensants.
Ici et maintenant dans un monde auto créé, auto organisé, éternel, il se contrefiche de l’hypothèse d’un monde supérieur. Il n’a donc de comptes à rendre à personne. Il est responsable de ses actes et sait que les hommes ont le monde en charge. Bref, il rigole et n’a pas froid aux yeux.

14 novembre 2004

soixante-huitard

Le suffixe « ard » est péjoratif mais il a l’avantage d’introduire « attardé ». Effectivement je regrette que nous n’ayons pas été assez modernes, empêtrés dans les vieilles lunes : Marx, Lénine, Trotski, Mao… et le culte de la barricade révolutionnaire, l’amour de nos pères et de la Résistance. Cela nous a un peu lesté de plomb. Mais pour le reste nous avons fait du bon travail: nous avons libéré (ou permis de libérer) l’amour du mariage obligatoire, de l’avortement clandestin (que Foyer, ministre, considérait comme le châtiment du plaisir), du viol impuni devant les tribunaux et de la chasse aux pédés. Nous avons permis aux salariés de se sentir fier une dernière fois dans l’histoire ( ?) avec le smig, les augmentations de salaire et le droit syndical. Nous avons libéré les enfants du pouvoir absolu des enseignants et des parents et introduit la mixité dans les écoles. Nous nous sommes battus (sans violence ou presque) contre l’obligation sinistre de croire que le monde est une vallée de larmes. Nous avons milité pour le droit imprescriptible au bonheur. Seuls les plus réactionnaires sont encore capables de contester cet héritage. Mais ils le font, et tous ne sont pas intégristes. Ecoutons un moderne, cité par Le Monde du 9 novembre 2004 : « Il faudra tourner le dos à toutes ces années où les valeurs ont perdu leur sens, où il n’y avait que des droits et jamais de devoir, où personne ne respectait plus personne, où il était interdit d’interdire ». Il s’agit de Nicolas Sarkozy. Ecoutons l’ex-ministre Ferry cité dans le même article de Laurent Greilsamer : « l’individualisme (…) a précipité l’école dans la crise, en valorisant l’innovation au détriment de la tradition, l’authenticité aux dépens du mérite, le divertissement contre le travail, et la liberté illimitée en lieu et place de la liberté réglée par la loi. » Attention, la bête immonde hérisse son poil.

08 novembre 2004

ennuyeux

Tout au long des jeudis sans fin et des soirées sans télévision, durant toute mon enfance, j'ai appris à m'ennuyer. Ainsi venait le goût des livres.

réaliste

En art, le réel est un choix, souvent médiocre.
En sciences, il dépend du point de vue de l'observateur.
En politique, il est réactionnaire.
En maths, c'est une part des nombres.
En philosophie, c'est une idée récente.
En règle générale, le réel est un point de vue.

01 novembre 2004

individualiste

Le mot n’a pas bonne presse. C’est que tous les intérêts constitués des Eglises aux Etats en passant par tous leurs séides trouvent nécessaire de promouvoir la solidarité et l’humanitarisme. Que deviendraient en effet la religion ou la politique si ceux qui en vivent ne pouvaient à toute occasion faire appel à notre sens de la solidarité ?
Vous avez de nombreuses variétés d’individualistes. Je n’en regarderai que quelques unes.
Vous avez celui qui se nomme parfois « anarchiste de droite », ennemi personnel de son percepteur, genre voyou en costume, admirateur de quelque brute dépourvue de tout principe moral, capable d’admirer Céline par simple goût de la provocation. Aucun intérêt sauf à être franchement aristocrate d’Ancien Régime, mais la race en est éteinte.
L'espèce la plus intéressante d’individualiste que je connaisse est composée de ceux qui n’ont aucune confiance dans les capacités de leurs contemporains. Infiniment plus subtile cette variété s’épanouit dans l’amour des autres. Elle s’auto proclame humaniste et optimiste parce qu’elle fait profession de croire en l’avenir. Une sous variante est d’ailleurs nommée progressiste. En réalité elle est totalitaire et profondément pessimiste. Cet individualiste trouve la satisfaction narcissique la plus élevée dans la compassion et le regard attendri, non de celui qui lui dirait merci, car il n’attend point d’être remercié, mais dans l’admiration de celui qui donne moins de lui-même. C’est un égoïste platonicien. En effet, il croît à l’existence des idées, le Bien, la Liberté, Dieu, la Patrie, la Vérité, ou l’Humanité, ou de tout cela un peu, mais avec foi… Ces fantômes, comme aurait dit Stirner, sont pour lui sacrés. En général, il sait donc ce qui est bon pour le bonheur des autres. Amusant quand il est socialiste, il comprend vite que les déroutes électorales peuvent être pavées de bonnes intentions. Il peut franchement devenir dangereux lorsque l’objet de son abnégation est la Patrie, le Führer ou le Communisme. Dans ce cas entraîné par son altruisme déchaîné il sera prêt à se sacrifier pour réaliser le bonheur de l’humanité. Il trouvera évident de vous liquider au passage si vous avez la moindre velléité de vous opposer à la réalisation du bonheur. Je sais que c’est difficile mais il faut imaginer Staline, Hitler, Pol Pot et leurs fidèles, sincères au moins jusqu’à un certain point. Sinon on ne comprendrait plus rien du tout à ce qui nous semble déjà si incompréhensible.
L’individualiste bourgeois me semble pourtant le plus important à considérer. C’est Joseph Prud’homme triomphant, sorti tout droit de la Révolution française. Les doctrinaires, de droite et surtout de gauche ne l’aiment guère car il n’est pas idéaliste. Attaché à l’argent et à la sécurité, il fait semblant de respecter les valeurs morales bien établies et les trahit quand son intérêt est en jeu. Il n’hésitera jamais à tromper sa femme, son financier et son meilleur ami. Ridiculisé depuis toujours par les artistes il est traité en personnage de vaudeville.
Pourtant c’est un héros. L’individualiste bourgeois a permis l’avènement du capitalisme moderne. En effet l’individualiste bourgeois, libéral si l’on veut, travaille à faire fructifier son capital. Il distribue au passage quelques miettes pour permettre aux humbles travailleurs de survivre. Cependant en dépit de tout c’est un humaniste optimiste. Car il croit les hommes, libres, raisonnables et capables de faire leur propre bonheur quand la majorité préfère penser à leur place.