14 mai 2006

esclave

Cette journée consacrée au souvenir de l’esclavage me laisse perplexe.
Le mépris ou le racisme que beaucoup d’autochtones éprouvent à l’égard des Noirs est spécifique. Il repose sur un stéréotype délirant, mâtiné de fantasme et datant de l’Antiquité : les Noirs seraient indolents et leur sexualité débridée.
Hélas la misère actuelle du sub-continent, son incapacité apparente à se développer, la corruption de ses chefs, les guerres incessantes accréditent dans beaucoup d’esprits un manque d’énergie, de savoir faire et une forme d’inintelligence. Au même moment les ravages du sida sont implicitement considérés comme les dégâts d’une sexualité non maîtrisée. Il n’y a pas que l’extrême droite qui flirte avec ces inepties.
Le seul point crédible est que, comme Dumont l’aurait dit : l’Afrique noire est mal partie, même si les taux de croissance virent au vert. Elle absorbe la plus grande part de l’aide internationale pour les résultats les plus minces. Revendiquer la mémoire de l’esclavage, c’est invoquer une cause possible de cet état de fait. Certains théoriciens ont d’ailleurs avancé l’idée que la ponction démographique avait pénalisé la région pour des siècles. Mais nous sommes dans la mémoire et pas dans l’histoire, j’entends plutôt : souvenez-vous du mal que vous nous avez fait.
Pourtant la mémoire de l’esclavage ne semble ni culpabiliser les Européens, ni rendre leur fierté aux Africains.
Il vaudrait sans doute mieux pour l’avenir de l’humanité s’intéresser à l’esclavage autrement qu’au plan mémoriel. Si l’on sait que des dizaines de milliers de Blancs furent esclaves dans les Etats barbaresques, on saura que pour collecter les fonds nécessaires à leur rachat on vendait des peintures représentant des femmes, et non de rugueux marins, toujours nues sur un marché devant un Ottoman de pacotille. Oublier cela, c’est oublier le contenu fortement érotique de l’esclavage dans le tréfonds des consciences (occidentales masculines au minimum). Il n’est, par ailleurs, pas de bon ton, semble-t-il depuis la loi Taubira, d’évoquer le rôle des Arabes dans l’esclavage en Afrique. Cela masquerait la responsabilité occidentale dans la traite. Pourtant il est établi que le nombre de personnes esclaves du fait des Arabes, certes sur un temps plus long, est au moins égal à celui des déportés aux Amériques.
On s’efforcera, j’espère de ne pas oublier que les Négriers d’Alger, de Zanzibar, de Nantes ou de Bordeaux n’allaient pas capturer eux-mêmes les esclaves. Ils se contentaient de les acheter aux Africains (royaumes ou tribus) qui vivaient de la vente…
On cessera peut-être d’assimiler rapidement colonialisme et esclavage. Car c’est à la conférence de Berlin de 1885 tout en dépeçant l’Afrique Noire qu’on a décidé que les Etats devaient faire cesser l’esclavage dans leurs colonies. A la seule exception du Congo, qui était un « Etat » privé et non une colonie.
Pour comprendre cela, il faut savoir qu’après que la traite fût abolie, l’esclavage ne cessa pas en Afrique. Il devint interethnique. Si aujourd’hui il y a tant de peuples qui s’opposent en luttes fratricides, « tribales » disent les journalistes occidentaux, c’est qu’il y a peu les uns ont réduit les autres en esclavage et que leurs enfants s’en souviennent très bien.
Le pis est sans doute comme l’a bien montré récemment un reportage de Thalassa au lac Volta, que ce n’est pas fini, des enfants sont esclaves en Afrique comme ailleurs.
Je suis certain que la « mémoire de l’esclavage », ne fera pas avancer d’un iota la cause du genre humain. Je mettrai plus d’espoir dans l’étude de son histoire, dans la lutte contre sa réalité présente et la réflexion sur le développement de l’Afrique. Car n’oublions pas que les « décideurs » internationaux qui ont abandonné définitivement ce continent à la charité internationale seront très heureux d’une journée commémorative. C’est une bonne conscience à peu de frais.

01 mai 2006

premier mai


Le 7 avril nous avons lancé notre nouveau bateau dont le nom est Bealtane. C’est le jour d’en parler car ce nom évoque le premier mai, la fête du renouveau, la fête de Beltené des Celtes entre l’équinoxe et le solstice d'été. L’étymologie proto-indo-européenne suggère : *bhel pour brasiller et *ten pour le feu. Ce jour-là en effet, on éteignait tous les feux pour n’allumer que le nouveau. Cette coutume persista en Ecosse jusqu’au 17ème siècle sous le nom de bealltainn.
Dans toute l’Europe, la reine ou belle de mai, les rameaux fleuris (l’églantine avant le muguet…) ont symbolisés la renaissance, l'alliance de l'esprit et de la nature, les mariages, enfin l’aube des temps nouveaux.
Car "faire le mai" était aussi synonyme de désordre. Depuis 1889, les grèves à la fois idylliques et subversives du 1er mai illustrent cette double signification.
Le mot mai vient lui de Maïa, aînée des Pléiades dont la fête coïncidait dans la Grèce antique avec la fin de l’hivernage, le jour de la remise des bateaux à la mer.
En irlandais, Bealtaine est le nom du mois de mai tout entier. Si l’Eglise a échoué à christianiser la fête, elle a fait de ce mois, le mois de Marie. Les statues de la Vierge ont alors remplacé dans les ifs et les chênes celles des anciennes vierges sanctifiées des Celtes. Enfin en anglais, Mayday (ancien nom : Beltane) est le premier jour de mai. Ce mot est aussi connu des marins comme un appel à la solidarité en tant que transcription phonétique du français « m’aider ».
Nous devons ce bateau à ma mère, Marie, née Groschêne, à Margueray, département de la Manche, le 22 mai 1912.