17 octobre 2004

désespéré

Le désespoir seul peut être source de bonheur.
Pour l’Eglise, l’espérance est une vertu, et Saint Augustin dit finement que dans le royaume il n’y a plus rien à espérer. Nous y avons achevé nos désirs. Platon le premier nous entraîne dans cette voie de garage lorsqu’il fait dire à Socrate « c’est de ce dont il ne dispose pas qu’il a envie, c’est de ce qui n’est pas présent (…) voilà en gros de quelle sorte sont les objets de son envie, de son amour ». Jean-Paul Sartre continuera jusqu’à ce jour une tradition bien établie de peine à jouir : « l’homme est fondamentalement désir d’être (…) le désir est manque ». Pour ma part je refuse d’attendre le paradis céleste ou la réalisation du socialisme. Je préfère Comte-Sponville qu’on qualifiera utilement de petit philosophe car il semble aimer la vie telle qu’elle est. Il nous dit : « espérer, c’est désirer sans jouir, sans savoir, sans pouvoir ». Désespérer est indispensable. Les vertueux de service ont fait du desespoir un synonyme d’angoisse et de suicide par ce que cela les arrange. Mais le contraire d’espérer ce n’est pas craindre, c’est savoir, pouvoir et jouir. Le désespoir, au sens du refus de l’espérance c’est (toujours Comte-Sponville) désirer ce dont on jouit, désirer ce qu’on sait et désirer ce qu’on fait. Ce qui par le plaisir, la connaissance et l’action nous rend ce monde supportable et nous donne la seule chance imaginable d’y être heureux.
Le Banquet 200°, trad. Léon Robin, Gallimard, Pléiade
L’Etre et le néant , 1943, p. 652
Le bonheur désespérément p. 40

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