22 décembre 2004

pacifiste

Dimanche 19 décembre, vu Montserrat d’Emmanuel Roblès, en famille. Efforts méritoires des comédiens pour une pièce devenue injouable : l’arbitraire et le sadisme sont devenus trop cathodiques, la cruauté comme attiédie. Nous eûmes mêmes la surprise d’entendre rire aux horreurs proférées par Izquierdo, rires de spectateurs, rires brefs mais rires. Le texte demeure cependant d’une grande justesse. Izquierdo est, en apparence, un psychopathe. Bon militaire, il fait son boulot. Libertin, il sait que nos vies ne pèsent pas lourd face au néant alors il tue, parce qu’il fait du renseignement et qu’un militaire ça tue. Pour qu’on ne se méprenne pas en attribuant à son athéisme je ne sais quelle absence de valeur morale, le Père Coronil (remarquablement interprété par Michel Crayssac) justifie de quelques syllogismes le massacre au nom de Dieu. Montserrat, quant à lui est, à mon sens, un salaud de la pis espèce, un idéaliste qui croit que la liberté est au bout du fusil et prêt à faire mourir les autres pour ses idées.
A cause de la mort nous sommes comme une ville sans rempart disait Epicure. Mais puisqu’il en est ainsi, reste la ville, reste la paix qu’on peut y instaurer. A la fin de la représentation, c’est à l’Europe que je pensais. Pour la première fois dans l’histoire du monde nous avons construit un espace pacifique de boutiquiers médiocres, comme le marchand de la pièce, prêt à tout pour vivre car il aime la vie. Le commerce est une excellente base pour la paix, Monnet l’avait compris en faisant d’abord de l’Europe une zone économique. Un espace optimiste de gens qui osent espérer que les humains peuvent se fréquenter sans l’obsession de massacrer le voisin. Un espace où il n’y aurait à terme plus de place pour les sabre-peuple, ni les héros patriotiques, ni les grandes idées. Une terre pacifiste et marchande où Hitler pourrait encore se faire élire mais n’irait pas plus loin qu’un Le Pen ou un Haider car on ne prend pas le risque d’être exclu du club. Rien de mieux jusqu’à présent dans l’histoire du monde, il est normal qu’on nous jalouse.
Quelques hypocrites allèguent ses jours-ci l’histoire et la géographie, d’autres plus francs la religion pour chipoter aux Turcs le droit de nous rejoindre. Ils n’ont pas compris que ce n’était pas une question de manuel scolaire : l’Europe est l’avenir du monde.

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