06 avril 2005

bureaucratique

En apparence tout va bien. Partout l’assurance qualité progresse, dans les entreprises on pratique le culte du client. Le terme d’usagers disparaît du vocabulaire des administrations. On ne vous adresse plus que des messages nominatifs et personnalisés. En apparence tout va bien.
Mais il y a un peu plus d’un mois, je perdais ma mère dont j’étais l’unique enfant. Elle-même était veuve, mon père ayant eu l’élégance de nous quitter sur une crise cardiaque. Je me suis donc astreint à adresser à chacun (est-ce que le terme convient ?) : banque, caisses de retraite, fournisseurs d’eau ou d’électricité, assureur, mutuelle, sécurité sociale, éditeurs des journaux auxquels elle était abonnée, etc., j’en passe, des missives annonçant son décès avec un certificat ad hoc le plus souvent. La majorité n’a pas répondu et n’a rien, strictement rien fait (y compris l’organisme d’assurance vie, bien entendu, vu que je suis le bénéficiaire). Quelques uns ont fait le nécessaire sans répondre. Une fraction a répondu. Devinez quoi ? Certains ont expédié une lettre de relance (rappel en gros et en rouge menaçant) au notaire (j’ai l’air malin) pour des sommes qui ne sont plus dues. D’autres par deux fois m’ont répondu que la somme que je demandais ne pouvait m’être attribuée alors que je ne demandais rien ! La meilleure dans le genre automatisée : que « feue Mme X » devait d’urgence renouveler son abonnement. Oui, on a inventé la relance post mortem.
Inutile de vous dire que personne ne m’a adressé de condoléances même sous forme de lettre type. Ce serait d’un ringard, vous imaginez ! Et cela ferait des frais inutiles.
Qu’en penser ?
J’ai connu un temps où l’employé, à cette époque joignable par téléphone, disait, péremptoire, « c’est une erreur informatique ! », qui le croirait aujourd’hui ? Nous sommes condamnés à envoyer lettre sur lettre, à téléphoner à des « centrales d’appel » (notez qu’on ne dit pas « centrales de réponses ») qui ne connaissent pas votre problème, à payer de notre poche à la banque les arrêts de prélèvement car aucun opérateur de télécoms connu de moi, par exemple, n’est joignable, etc.
De brillants ingénieurs « optimisent » le fonctionnement et la productivité. Ils observent, font des statistiques et modélisent. Techniquement les « indicateurs » de fonctionnement qui devaient évaluer l’activité deviennent la norme sur laquelle s’ajuster.
A ce compte là, les événements importants de nos pauvres vies : déménager ou …mourir ne comptent plus guère. Ce sont des questions marginales pour un organisateur. Car les Français changent encore peu souvent de domicile dans leur vie et assurément ne meurent qu’une fois. Curieusement, j’ai le sentiment que nous devenons chaque jour un peu plus soviétiques, version soft : tout le pouvoir aux ingénieurs. Oui cela doit être le totalitarisme mou.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tiens ! moi aussi j'en ai une pas verte :

Il y a des années maintenant, mon grand père maternel est décédé, et ma grand mère de recevoir de je ne sais plus quel organisme administratif, un gentil mot de condoléance de son propre décés à elle...

C'est pas encore gagné...