12 janvier 2006

retraité

Je commence à avoir une idée de la fin. Je me souviens d’une réunion à Bruxelles la dernière année du précédent siècle. Un expert de la Banque mondiale évoquait sa vision de l’avenir à moyen terme dûment inspirée du film Soleil Vert. Si vous ne connaissez pas, imaginez une planète surchauffée et surpeuplée ou les Vieux choisissent de disparaître devant des images vidéo de la Terre qu’ils avaient connue au temps de leur jeunesse. Incidemment on apprend que leurs corps euthanasiés servent de nourriture aux vivants.
La démographie actuelle nous conduira vers des solutions radicales. Aujourd’hui une partie des Anciens est une manne économique. Il faut du monde pour les servir, les distraire, les faire voyager, les soigner… On appelle cela dans les documents politiques les « services à la personne ». Amusant car lorsque vous devenez une catégorie économique, on ne vous reconnaît plus tellement comme une personne mais plutôt comme un outil ou un agent. Il y un an ma mère mourrait, elle était devenue dans les derniers temps un corps à rentabiliser l’usage des scanners et autres coûteux bidules médicaux. Par chance les maisons de retraite comme les établissements hospitaliers font appel à un personnel fraîchement immigré qui ne baigne pas encore suffisamment dans notre système de « valeurs ». Ils considèrent, contre toute préoccupation rationnelle, que les Vieux sont des personnes. Commentaire de ma mère encore lucide à ce moment : « je n’aimais pas les Noirs (elle n’en avait pas connu…), eh bien j’ai appris ici que ce sont les meilleurs ».
Nous qui partons demain en retraite risquons d’être pour les générations futures un poids financier intolérable. Nous sommes nombreux, ce sont nos enfants qui paieront : ils sont rares. Il faut donc raisonnablement s’attendre à des « produits » qui garantiront l’avenir de nos enfants contre une disparition organisée, légalisée et encouragée politiquement. D’abord on changera les mots, on inventera une catégorie. On pourrait reprendre le très joli « économiquement faible » d’autrefois. On nous culpabilisera comme on le fait déjà pour la pollution, la canicule, la sécurité sociale, le chômage… On commencera par nous faire sentir notre inutilité dès lors qu’on aura « rééquilibré » nos pensions vers zéro. Nous comprendrons alors que nous sommes une charge intolérable et nous déciderons d’assurer l’avenir de nos petits enfants en sollicitant notre mort médicalisée. Il sera certainement intéressant pour les plus jeunes de prendre des parts dans les sociétés organisatrices de cérémonies.
Bonne année à tous !

Aucun commentaire: